L’une de mes sœurs me faisait remarquer récemment que dire non à quelque chose, c’est dire oui à autre chose, mais n’oublions pas que l’inverse aussi peut être vrai. Quand je dis «oui» à tout, à quoi dis-je «non» ?
Avant de nous plonger dans l’étrange et mystérieuse contrée du Non-Non, revenons donc un instant sur le monde de Oui-Oui.
Dire oui et manger le gâteau.
Dans la collection des Monsieur – Madame de mon fils, Madame Oui dit oui à tout, mais à la fin (attention SPOILER) elle dévore le gâteau du pique-nique, au grand dam de monsieur Glouton et de Madame Dodue.
Bien joué, Madame Oui ! Car une Madame Oui peut être une OUI-neuse, si son oui est un oui dans lequel elle ne s’oublie pas.
Dans ma vie, je connais énormément de Madame Oui, et même si les Monsieur Oui existent aussi, je me demande si l’incapacité à dire non n’est pas plus largement un truc de Madame.
Faisons comme si, pour une fois, le féminin l’emportait sur le masculin.
Je disais donc que je suis cernée par les Madame Oui, mais il existe plusieurs types de « oui »
1 – Le OUI sur lequel on est totalement aligné : le seul OUI facile.
Par exemple le oui à cette invitation à la soirée Karaoké-raclette de sa meilleure pote ou au concert de son artiste préféré ou de son invitation en guest au match France-Brésil, ou bref… Il s’agit d’illustrer ce GRAND OUI du fond du cœur qui dépasse toute autre opportunité un même jour à la même heure.
2 – Le OUI sur lequel on est aligné mais c’est compliqué parce que qui dit oui, dit aussi non.
Par exemple on hésite entre Karaoké-raclette-meilleure-pote et soirée-rhum-salsa-avec-collègue-sur-qui-on-a-des-vues.
Ou entre mariage ami-d-enfance et mariage ami-de-maintenant qui ont lieu le même jour. Le genre de dilemme qui fait mal.
Ou entre ce poste de manager super bien payé mais stressant, et ce poste mal payé mais avec une équipe et dans un secteur qui vous plaît.
Ici la difficulté à dire non va se révéler au grand jour mais s’avère 100% justifiée, car on ne pourra pas faire les deux et on voudrait les deux.
3 – Le OUI « pour faire plaisir »
Si on ne dit pas oui, la personne va être déçue ou nous en vouloir, ou regretter de nous avoir fait confiance. Du moins c’est ce qu’on pense !
Ce oui, je l’appellerais le «oui empathique», celui qu’on est très nombreuses à dire mais dans lequel on commence parfois à s’oublier.
Par exemple : oui, oui, pas de souci pour venir arroser tes plantes pendant deux mois ou pour garder Pipou ou pour réceptionner ton piano pendant que tu seras en vacances dans les îles grecques.
4 – Le OUI par culpabilité « je lui dois bien ça »
On n’a pas vraiment envie de faire cette chose mais on culpabilise pour une autre chose, différente, et donc on dit oui à celle-ci.
Ces deux choses sont-elles équivalentes ? Voici une bonne question à se poser.
Exemple : il m’a avancé 1000 euros à une période où j’en avais besoin, donc je l’héberge gratuitement depuis 4 ans. Ou : elle m’a mise au monde donc je vais accéder à tous ses désirs, tout en occultant les petites remarques désagréables.
5 – Le OUI parce que je me sens obligée, contraint(e), ou parce que j’ai peur
Ce oui-là pose un gros problème. Cette seule conviction que vous n’avez pas le choix biaise le oui.
Il est très présent dans le secteur professionnel, dans le rapport hiérarchique, « que m’arrivera-t-il si je refuse de prendre ce dossier, de réaliser cette tâche, de faire des heures sup non payées » mais il peut l’être aussi dans le secteur personnel de façon insidieuse ou clairement exprimée.
Il peut être lié à une violence ou une menace, verbale ou physique. Mais il est souvent lié à une projection négative – justifiée ou pas – de ce qui arriverait si vous disiez non. Bref c’est un faux OUI.
>> Dans ce monde de Oui-Oui, on voit donc qu’à part dans la catégorie 1, relativement rare, tous les autres « oui » sont en balance avec un « non » possible, sauf dans le dernier cas où il y aurait mise en danger.
Devenir une OUI-neuse ou un OUI-neur : comment faire ?
– La première question à se poser à chaque fois que vous vous dites « je ne sais pas dire non », et que vous regrettez d’avoir dit oui, consiste donc à se demander de quel oui il s’agit : un oui de renonciation ? Un oui poli ou pour faire plaisir ? Un oui de sentiment de culpabilité ? Un oui contraint ?
– La deuxième question à se poser si vous parvenez à identifier le oui dont il s’agit, c’est : que se passerait-il ou que se serait-il passé si j’avais dit non ?
Eh bien…, je vais vous y aider : le NON, à part dans le cas du oui contraint (n°5), il passerait crème, comme ne disent déjà plus les jeunes.
Car l’autre, celui à qui l’on dit « non » est un être humain confronté aux mêmes problématiques de oui et de non. L’autre peut donc comprendre votre non.
S’il vous en veut, ce ne devrait pas être très long.
Sauf si vous dites non le jour de votre mariage à votre fiancé(e), auquel cas il ou elle vous en voudra peut-être pendant quelques siècles.
Le monde heureux du Non : l’affirmation de soi.
Pour beaucoup de Madame Oui, le monde du Non n’est accessible qu’après un bon travail sur soi voire une vraie thérapie ! Pourquoi ? Pourquoi est-ce si difficile de dire non ?
-> La difficulté à dire non tient en premier lieu à une croyance assez basique dans le fond : « Si je dis non, il/elle ne m’aimera plus, ou m’aimera moins ».
Ce qui, concernant nos proches, est parfaitement inadapté et insensé, n’est-ce pas ?
– Car si vous refusez d’arroser les plantes de madame Michu, elle demandera à quelqu’un d’autre, tout simplement.
– Si vous ne passez pas une semaine de vacances dans votre belle-famille, on ne vous en aimera pas plus ou moins. Si l’on vous critiquait avant, on vous critiquera après, que vous y alliez ou non.
– Et si vous n’offrez pas à votre ado le dernier Iphone, vous ne signerez pas la fin de sa vie – contrairement à ce qu’il prétend – et il ne vous en aimera pas moins. Pendant la période de détestation, il vous détestera de toute façon quoi que vous fassiez.
-> L’autre grande raison qui empêche de dire non, c’est la peur du conflit.
Mais si cette peur s’active c’est que la personne à qui vous ne parvenez pas à dire non détient ce pouvoir sur vous, que sa susceptibilité et donc ses propres désirs l’emportent sur les vôtres. Ce ne devrait pas être le cas et à y réfléchir, Caliméro dirait « c’est pas juste. »
Vous aussi vous avez le droit de vous écouter.
Et si conflit il y a parce que vous dites non, eh bien, nul besoin de culpabiliser, vous êtes dans votre bon droit.
Dire « non », cela peut se révéler salvateur. En vous affirmant, vous renforcez votre confiance en vous.
Souvent, nous les Madame Oui (Allez, j’avoue, j’en suis), nous disons oui pour pallier les névroses des autres, pour calmer le jeu. Alors, arrêtons et voyons ce qui se passe réellement.
Dire Non, c’est se respecter.
En réalité, dire non quand on n’a pas envie de faire quelque chose relève du simple respect de sa propre personne. Et ce, quelles que soient les circonstances.
Quand on évoque le consentement dans les situations d’agressions sexuelles, bien souvent les victimes sidérées ne parviennent pas à dire non même lorsque tout leur être intérieur le crie.
Le mot ne sort pas, et l’on se retrouve dans la catégorie n°5 du oui contraint, celui qui est un non impossible à prononcer parce qu’on a peur.
Dire Non, c’est dire Non à la peur. Courage !
Dire non, c’est donc faire preuve de courage dans un monde et une société qui poussent à acquiescer à tout. Dire non, c’est enfin s’écouter. Dire non, c’est changer !
Et comme je ne cesse de le répéter sur ce blog, on peut et on a le droit de changer.
Alors pour être de vraies OUI-neuses, dosons le oui et osons le non. NON ?